« Secrets d’histoire sur Anne de Bretagne: pour en finir avec trois idées reçues…  » ou comment en véhiculer d’autres ….

Dans un article mis en ligne ce 14 octobre sur le site de France 3 Bretagne, on nous apprend que l’on va en finir avec 3 idées reçues sur Anne de Bretagne. Nous avons déjà eu l’occasion de revenir sur ces « idées reçues » et de les démonter. C’est à se demander pour quelles raisons certains y reviennent en permanence ….

1/ Anne de Bretagne, Jeanne d’Arc, même combat

Curieux rapprochement qui vient en fait d’un journaliste de France 3 Nantes (« Pays de Loire ») qui souhaitait voir un rapport entre la Jeanne d’Arc du Front National et la Anne de Bretagne des Bretons, sans doute pour faire une sorte d’équation Bretons= extrême droite ? Ça c’est du travail journalistique, n’est-ce pas ?

Et voilà donc qu’on en appelle encore une fois à Alain Croix certes universitaire et historien mais absolument pas spécialiste de cette période qui vient nous dire « qu’on n’a pas demandé son avis au peuple »…. et que « l’union n’a posé aucun problème » …. M. Croix a conservé de ses engagements politiques passés un art certain de la dialectique. Qu’il nous dise donc où en Europe au XVème siècle on demandait son avis au peuple …. et « demander son avis au peuple » ça veut dire quoi exactement à cette époque ? La mémoire de M Croix est sélective pour le moins … Quid des Etats de Bretagne ? Quid de la résistance pendant des années des différentes villes bretonnes contre les armées françaises ? Par exemple, quid de ces marins quimpérois armant des navires pour défendre Nantes assiégé ? Ou encore des habitants de Clisson massacrés dans leur totalité parce qu’ils ne voulaient pas se rendre aux assiégeants français ? Et l’on pourrait en citer des dizaines d’exemples de ce type . Comment M Croix peut-il dire que « l’union n’a posé aucun problème » alors que les Bretons se sont battus pendant des années pour défendre l’indépendance bretonne et ont du faire face aux 50 000 soldats français envoyés pour mettre à genoux la Bretagne , soit le même nombre que la France enverra quelques années plus tard en Italie….. chiffre énorme pour cette époque….. Rappelons que le rapport en nombre d’habitants entre la Bretagne et la France à l’époque était de 1 à 10 ( 1 million d’habitants contre 10 millions.)

L’article indique que « la Bretagne n’était pas une principauté » alors que  les travaux récents de l’historien Frédéric Morvan aboutissent justement à qualifier la Bretagne de l’époque de principauté. Bien évidemment, si l’on suit un Didier Le Fur qui, malgré son nom, est un digne représentant de l’école historique française, la Bretagne n’est en fait pas grand chose… Certes, l’on peut indiquer ce que pense cette école historique française mais si l’on veut faire un travail sérieux, il faut aussi citer l’école historique bretonne ou encore l’école historique anglaise qui à travers les travaux de ses historiens apportent une vision différente . Les travaux d’un Jean Kerhervé ou d’un Michael Jones sont à citer. Il n’est guère juste de ne prendre que le point de vue « vainqueur », non ? Il faudrait aussi que nos journalistes se rendent compte que ces différences entre écoles historiques existent depuis des siècles et qu’elles sont le reflet des rapports de force politique de l’époque. Il est donc un peu fort de café de ne donner la parole qu’à deux représentants d’une seule et même école.

On passera rapidement sur l’anecdote portant sur le fait qu’Anne de Bretagne n’aurait pas parlé breton: d’une part, qu’est-ce que ça peut faire ? d’autre part, on n’en sait strictement rien…. Cette façon d’insister sur ce point est pour le moins curieux, comme pour rabaisser la « bretonnité » d’Anne de Bretagne….

2/ la reine aux sabots

Cette vision folkloriste et provinciale n’ayant plus cours depuis une éternité, on ne voit pas l’intérêt d’y revenir ….

3/ Anne de Bretagne à l’origine de la gratuité des routes

Décidément c’est une obnubilation des media , cette question de la gratuité des routes. Nous l’avons déjà dit et redit en deux points: d’une part, le statut fiscal du duché de Bretagne était différent de celui du royaume de France et d’ailleurs il est resté particulier jusqu’en 1789; d’autre part, la gratuité du réseau routier breton est la conséquence de la mobilisation des années 60 autour du CELIB, du projet de Loi-programme, des batailles du rail et du lait et … des attentats du FLB . Il est bien évident qu’Anne de Bretagne n’a rien à y voir et nous ne « plaidons » rien de particulier sinon d’indiquer des faits.

Bref, cet article de France 3 Bretagne est quelque peu curieux et bien incomplet.

France 3 Bretagne, 14 octobre 2014

Article de Stéphane Grammont

annedebretagnebonnetrouge

« Secrets d’histoire » sur France2 avec Stéphane Bern consacre son numéro d’octobre à Anne de Bretagne. L’émission, tournée à Nantes et Blois, retrace la vie de la reine de France. Mais bien qu’ attachée à ses terres, certains clichés circulent sur ce symbole de la région.

1/ Anne de Bretagne, Jeanne d’Arc, même combat

La duchesse Anne est considérée sur ses terres comme « le symbole de la Bretagne écrasée par le royaume de France » , selon l’historien Alain Croix, qui rappelle que l’union à la France à l’époque « n’a posé aucun problème: on n’a pas demandé l’avis du peuple... ». « Elle n’a jamais su parler ni compris le breton » souligne l’historienne Murielle Gaude-Ferragu dans Secrets d’Histoire.

Pourtant, la dernière duchesse de Bretagne véhicule aujourd’hui l’idée de résistance, d’une Bretagne toujours au bord de la révolution, une sorte de Jeanne d’Arc d’une région qui n’était toutefois pas une principauté. Didier Le Fur, auteur en 2000 d’une biographie de la duchesse, estime qu’avant même le mariage à Charles VIII, la Bretagne faisait déjà partie de la France, même si elle n’entrait pas dans le domaine royal et conservait certaines particularités comme le droit de battre monnaie.

2/ La « Reine aux sabots »

Anne de Bretagne a été élevée comme une fille de roi au château de Nantes. Elle vivait avec autour d’elle un personnel composé d’une centaine de personnes. Quatre siècles plus tard, Anne de Bretagne devient une icône, pour les nobles, mais aussi pour le peuple. Une expression circule, « A1nne de Bretagne, duchesse en sabot ». Cette expression vient d’une chanson populaire chantée dans les cour d’écoles à la fin du XIXè siècle.

« Anne de Bretagne ne devait pas avoir beaucoup d’occasion de se déplacer en sabots. Elle aimait le faste, et ignorait assez largement le peuple paysan breton » ironise  Bernard Quillet.

3/ Anne de Bretagne est à l’origine de la gratuité des routes

« Le contrat de mariage stipulait +pas d’octroi sur mes routes+ » plaide Jacques-Yves Le Touze, le coordinateur du Comité Anne de Bretagne qui organisait les fêtes du cinq-centenaire, et le système d’imposition du duché était différent. Malgré tout, c’est bien au Général de Gaulle et au « plan routier breton » de 1969 que l’on doit cette exception.

Anne de Bretagne 1

Cliquer sur l’image pour voir un extrait de l’émission de Stéphane Bern consacré à Anne de Bretagne.

2 réflexions au sujet de « « Secrets d’histoire sur Anne de Bretagne: pour en finir avec trois idées reçues…  » ou comment en véhiculer d’autres …. »

  1. Mikael

    L’historien Le Fur avait déjà parlé d’Anne de Bretagne en 2010 sur France culture. Cet historien voulait manifestement régler son compte à fibre bretonne de la Duchesse. DONC MEFIANCE à son propos ?

    Nul doute non plus que M. Croix, digne représentant de l’université française, qui réécrit l’histoire de façon marxiste léniniste, ne soit sur la même longueur d’onde…

    M Le Fur s’était attiré à l’époque ce commentaire d’un anonyme, une opinion à méditer :

    « Anonyme16.11.2010 Bonjour,

    Je me permets de réagir à votre émission sur Anne de Bretagne.

    J ai beaucoup de respect pour votre émission qui est la seule émission que j écoute en français. Ce peut il que je n ai eu jusqu’à présent que du bien a penser ( au delà du fait que je partage ou pas les opinions émises) de votre traitement souvent audacieux, original, ‘dépoussiérant’ de vos sujets que parce que je les connaissais
    finalement plus mal que celui d aujourd’hui ?

    Encore une fois, tout le monde a droit a ses opinions, et les historiens qui ‘disent l histoire’ plus ou moins officiellement ne font pas exceptions. Leurs écoles, leurs chapelles, leurs approches les peignent en autant de couleurs et de nuances, donc ma réaction aujourd’hui n’est pas liée au fait que l un des historiens -conteurs de l’histoire de Anne de Bretagne le fasse de façon a systématiquement ôter, gommer, tout ce qui aurait pu permettre de faire de cette femme exceptionnelle a bien des égards un sujet d attachement raisonne des Bretons a leur dernière souveraine. Avec le nécessaire besoin qu’il y a de défaire les attitudes folklorisantes, les mythes -outils de propagande (quelle que soit leur nature), objet de l historien honnête, est venu ce matin sur vos ondes la voix de quelqu’un dont le zèle a ‘démystifier’ est malheureusement et dangereusement confondu avec l outrance, la systématisation, voir de temps en temps le mépris et l ironie. Mon reproche n est pas que vous ayez donne voix a une des lectures très franco française de l histoire de la Bretagne via la vie très compliquée, très souvent réécrite, très idéalisée par certains, dénigrée par d autres d une jeune souveraine Bretonne mariée a deux rois de France sous contraintes. Elle n était finalement qu’une pièce dans un engrenage historique assez classique en période médiévale ou moderne.

    Mon reproche est plutôt que vous n ayez donne que cette lecture la.

    Encore une fois, il est sain et nécessaire de démystifier, et peut être au passage expliquer pourquoi, l appropriation, l idéalisation d’Anne de Bretagne a été si nécessaire aux Bretons particulièrement au XIXème. Mais les gloses sur les la sempiternelle association du mouvement Breton au travers de la centaine de nationalistes pro nazi de la manière dont cela a été insinue ce matin est vraiment de trop. De même tout jusqu’à au méprisant commentaire sur l’unique raison pour laquelle Anne aurait voulu que sont cœur fut enterre en Bretagne, signe une lecture qu’en Bretagne et ailleurs nous connaissons bien.

    Déconstruire systématiquement tout les éléments qui peuvent permettre a un peuple a qui appartient cette histoire, ‘leur histoire’ , Bretons et Français de la vivre, de s appuyer dessus pour construire leur capacité a appréhender le présent et l avenir relevé de la manipulation et de la propagande. L ennui c est que l état français s acharne a faire cela depuis très longtemps en Bretagne et ailleurs, de manière brutale ou subtile, ici nous dirons que c était une manière ‘subtile’, utilisant la nécessaire œuvre de dépoussiérage de de ‘de idéalisation’ d un personnage pour du même coup stériliser, évacuer, nier et finalement ‘normaliser’ dans la version française du terme tout ce qui de près ou de loin aurait pu servir de base a un sentiment Breton, une identité Bretonne.

    Finalement lorsque on est oblige de raconter l histoire de cette ‘histoire de France’ ou la Bretagne n était pas partie intégrante de cet état qui se voudrait volontiers incréé et aux ‘frontières naturelles’ , on dit que sa souveraine, n avait finalement aucun sentiment Breton, qu’elle n y était finalement pas si aimée que ca, qu’ elle n y parlait pas la langue, qu’ elle n a pas voulu que son cœur y soit enterre, autrement qu’ auprès de ces parents… on n’a tout de même pas entendu que Nantes d ailleurs, n’était pas vraiment en Bretagne….

    Vraiment j aurai souhaite, que de votre volonté très saine de défaire Anne de ses sabots aille jusqu’à a détricoter aussi le discours de ceux qui habilement œuvrent avec une diligence et une servilité de conviction qui devraient apparaitre suspecte a ceux qui pensent encore.

    Ici, ignorer le courant très franco français qui soutend le discours de cet historien, est s en faire son complice, de facto discrédite a mes yeux votre émission que je n écouterai plus avec la même oreille, si je l écoute encore. Je suis habitue à entendre ce qui ne me conviens pas, a l écouter, le considérer, éventuellement même l adopter quand on m’en donne de bonnes raisons.

    Mes Profs d histoire a la fac de Rennes, DELUMEAU, LE BRUN, NIERES, DENIS, LE DRIAN, CHASSAGNE etc…étaient loin d avoir la moindre objectivité, mais ils jouaient carte sur table. Les uns se disaient ‘chrétiens’, les autres ‘tentaient d avoir une lecture Marxiste de l histoire…’etc……faites en de même et dites clairement jusqu’ ou la production de cette émission épouse ou pas les propos des historiens invités quand il n y pas d’approche ‘différente’ pour leur faire réponse et offrir a l auditeur une lecture commentée ‘ouverte’.

    Pour finir, ce qui est troublant, c est que votre émission fasse totalement et bizarrement une totale impasse sur le Traite d Union de 1532 (Union pas annexion) (ou acte unilatéral ?), droit international préservant les droits du Parlement de Bretagne, l interdiction pour l’état français de lever impôts, armées, taxes sans l’aval du parlement etc…traite qui a été l’œuvre politique d’Anne de Bretagne pour lequel elle a bataille toute sa vie et signe si il en était besoin, son attachement viscéral (si ce n est avec son cœur) a la Bretagne autant que ses craintes (fondées) de le voir purement et simplement annexe.

    Petit rappel : c est au pied de ce parlement que commencent les troubles lies a son mépris par les rois français qui vont mettre l hexagone sur la voie de la révolution dites ‘française’, avec les thèmes, les revendications, les modes de représentations édictes en 1675 dans le « code paysan » rédige lors de la Révolte des Bonnets Rouges et celle du Papier Timbre qui étaient la négation même du traite de 1532 par Louis XIV….

    Serait ce que cette facette la d’Anne de Bretagne ait pu desservir l’angle sous
    lequel elle a été présentée aujourd’hui ?

    Il semble qu’ après 5 siècles de colonisation, d acculturation, d appauvrissement et de normalisation française auxquelles les Bretons eux mêmes ont pris une certaine part, tout ce qui touche a l histoire de la relation entre la Bretagne et la France soit encore un sujet ‘sensible’ pour les français, qui lorsque ils ne sont pas convaincu par leur ignorance de l histoire que la Bretagne a toujours été ‘française’, font pieds et mains pour réduire a tous prix ce qui pourrait lui donner le moindre sentiment constitutif d une identité politique, culturelle et économique. Il est vrai que d avoir un passe, ouvre l avenir.

    Serait ce que les Bretons qui veulent simplement se penser autrement que comme des français incréés puissent encore être vus comme une ‘menace’ sous une forme ou sous une autre ? Ou est ce la juste le soubresaut reflex d une fin de règne pathétique qui fait encore, par la voie aigrie d historiens de service, de la ‘répression nerveuse’ sous l’apparence de la nécessaire démystification folklorisante a laquelle Michelet lui même a participe…car il y avait de cela dans la voix de votre hôte, en plus de ses sourires méprisant qui s entend vraiment beaucoup a la radio.

    L’histoire est pouvoir. Ceux qui la font l’ont compris.

    Répondre
  2. Kirill Giraudon

    Herve Le Boterf dans sa biographie bien documentée fait état d’ un dame Eon sa nourrice native de Basse Bretagne qui lui aurait appris le breton.

    Répondre

Laisser un commentaire