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Brest. Reconstruction de La Boussole : et pourquoi pas La Cordelière ?

Ouest-France, 14 février 2022, par Laura Daniel

La Boussole, frégate sur laquelle a péri l’explorateur La Pérouse, sera bientôt reconstruite à Brest. Mais ce choix et son installation prévue sur la Seine ne convainquent pas Jacques-Yves Le Touze, du Comité Anne de Bretagne. Qui propose une alternative : La Cordelière, dernier fleuron de la flotte bretonne.

La Cordelière a sombré dans le goulet de Brest en 1512 lors d’un combat contre le Regent, un navire anglais. | DR

Un chantier colossal a été annoncé à l’occasion du One Ocean Summit, à Brest. La Boussole, mythique frégate de l’explorateur Jean-François de La Pérouse, va « reprendre vie à Brest ». Une réplique de ce navire ayant fait naufrage en 1788 sera en effet reconstruite dans un chantier naval de Brest. Ce choix ne tient pas de l’évidence, estime pourtant Jacques-Yves Le Touze, coordinateur du Comité Anne de Bretagne. Entretien.

Emmanuel Macron a confirmé lors du One Ocean Summit la construction d’une réplique de La Boussole, le navire de l’explorateur La Pérouse. Qu’est-ce que ça vous inspire ?

La reconstruction de bateaux historiques m’a toujours intéressée. Mais quand je vois que le but est de l’ancrer au pied de la tour Eiffel, je trouve ça curieux, surtout pour un musée de la Marine. C’est toujours la même logique : les gens viennent à Paris, donc il faudrait tout y mettre. Sauf qu’un trois-mâts bloqué sur la Seine, c’est ridicule…

Plus largement, une telle reconstruction demande un effort important, financièrement et humainement. Je n’ai rien contre La Boussole et La Pérouse, mais ce n’est pas un bateau marquant pour notre histoire bretonne. Il y aurait eu des choix plus intéressants.

À quelle alternative pensez-vous ?

La Cordelière, un navire qui a commencé à être construit à la fin du XVe siècle sur ordre de François II, le père d’Anne de Bretagne. C’était juste avant le déclenchement de la guerre d’indépendance [qui aboutira à l’union de la Bretagne et de la France, ndlr]. Il est ensuite devenu le navire amiral de la flotte bretonne. Il faisait une quarantaine de mètres et pouvait accueillir jusqu’à un millier d’hommes.

Il a sombré en 1512 en combattant Le Regent, vaisseau amiral anglais qui se dirigeait vers la pointe Saint-Mathieu. Les deux navires ont coulé et 2 000 personnes sont décédées. Leurs épaves n’ont jamais été retrouvées : des campagnes de recherches sont menées depuis plusieurs années par l’archéologue Michel L’Hour, soutenues par la Région.

Que représenterait sa reconstruction à vos yeux ?

Il s’agit d’une période charnière de l’histoire, quand la Bretagne indépendante devient française. C’est quasiment le dernier symbole de la souveraineté bretonne armée ! La Cordelière a donc une grande importance. Sa reconstruction apporterait une lumière nécessaire sur ce qu’était la Bretagne à l’époque, une histoire que l’on n’enseigne pas.

Reconstruire un bateau historique à Brest, oui mais…..

Le Comité Anne de Bretagne a noté avec intérêt le projet porté par le musée de la marine de construire à Brest une réplique de La Boussole, initiative louable dans son principe bien que le but serait d’ancrer la réplique au pied de la Tour Eiffel à Paris ….

Le combat entre La Cordelière et The Regent

Ceci dit, le Comité Anne de Bretagne souhaite attirer l’attention sur un navire dont la reconstruction pourrait devenir un projet mobilisateur pour Brest et toute la Bretagne, La Cordelière, navire amiral de la flotte bretonne, disparu en 1512 au large de Brest en affrontant The Regent, navire anglais.

Depuis plusieurs années, des recherches archéologiques sous-marines sont d’ailleurs menées dans la région brestoise sous la direction de Michel L’Hour avec l’aide de la Région Bretagne pour tenter de retrouver des traces de ce bateau breton imposant, 40 mètres de long, 12 m de large, près de 200 pièces d’artillerie, un équipage d’un millier d’hommes.

Ce projet intéresserait l’ensemble de la Bretagne et au-delà, y compris, en Angleterre. Une façon originale d’illustrer l’histoire navale bretonne.

La Cordelière. L’espoir renaît

Le naufrage de la Cordelière et du Régent, deux bateaux emblématiques du début du XVIe siècle, a dû se dérouler entre la pointe Saint-Mathieu (ci-dessus) et l’anse de Bertheaume, à Plougonvelin.

Le Télégramme, 14 novembre 2017

La Cordelière, le bateau d’Anne de Bretagne, alors reine de France, a coulé en 1512 lors d’une bataille navale, emportant avec elle le Régent, vaisseau amiral de la flotte britannique. Les recherches, avec de nouveaux moyens, ont repris pour retrouver ces précieuses épaves à la pointe du Finistère.

Ce 10 août 1512 une réception se déroule sur La Cordelière, la caraque commandée par Hervé de Portzmoguer, dont le nom a ensuite été francisé en Primauguet pour baptiser des navires de guerre de la Royale. Portzmoguer et Primauguet ne sont bien qu’un seul homme !

À cette époque, les Anglais viennent souvent attaquer la pointe bretonne, et ce jour-là une flotte de bateaux anglais et flamands est annoncée devant l’abbaye de Saint-Mathieu, à Plougonvelin. Les amarres sont coupées à la hâte. La Cordelière et La Louise vont au-devant de la flotte anglaise pour protéger le reste des vaisseaux bretons et français qui rentrent par le goulet vers Brest.

Durant la bataille navale, La Cordelière se retrouve en mauvaise posture et Portzmoguer décide d’aller à l’abordage du Régent, le vaisseau amiral anglais. Le feu prend dans la sainte-barbe du bateau breton, la réserve de poudre explose et les deux navires sont envoyés par le fond avec leurs quelque 400 canons et près de 2.000 marins embarqués sur ces grands vaisseaux d’une quarantaine de mètres chacun.

« On va tout reprendre »


« Depuis plusieurs années des recherches ont été menées pour tenter de retrouver l’épave de La Cordelière, notamment par Max Guérout dans les années 1990, à l’aide d’un magnétomètre. Mais il y a beaucoup de matériaux, notamment des câbles sous-marins, sur la zone de recherche qui ont parasité les résultats. Aujourd’hui nous avons des techniques qui doivent nous permettre de retrouver enfin ces épaves. On va tout reprendre méthodiquement », dit Michel L’Hour, directeur du Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (DRASSM) qui estime la zone de recherche entre la pointe Saint-Mathieu et l’anse de Bertheaume, sur la commune de Plougonvelin.

« Un navire qui fait rêver »


Dans un premier temps, ce sont les archives françaises, mais aussi anglaises, qui sont fouillées par les chercheurs de l’Université de Bretagne sud. « Retrouver le témoignage d’un marin anglais pourrait permettre de préciser le lieu du naufrage », estime le directeur du Drassm.

Ensuite, il s’agit d’étudier la géomorphologie des fonds de ce secteur avec Ifremer et l’aide des moyens techniques de l’École nationale supérieure de techniques avancées (Ensta) de Brest ou du laboratoire d’Informatique, de robotique et de microélectronique de Montpellier (IRMM).

« Ce projet me tient beaucoup à coeur parce que je vais bientôt quitter la direction du Drassm. C’est un bâtiment qui fait rêver beaucoup de monde depuis longtemps. J’ai rencontré un vrai engouement autour de ce projet. L’été prochain une campagne de recherches sera réalisée avec le bateau du Drassm, l’André-Malraux », précise Michel L’Hour.

L’épave peut être enfouie sous des sédiments mais les dizaines de canons, couleuvrines et armes très variées de l’époque, devraient tout de même être détectables.

Les plongeurs sollicités


« Il est possible que le site ait déjà été découvert fortuitement par des plongeurs qui ont remonté des objets sans avoir conscience de ce qu’ils venaient de ramener. On recherche des témoignages. Sous l’eau on peut imaginer retrouver une partie de la coque, même si elle a brûlé en partie ou a explosé. Et puis il y a tous les effets personnels des marins. Et il y avait aussi des femmes venues pour la réception et qui n’avaient pas dû pouvoir être débarquées. Ce sont des milliers d’objets qui vont nous révéler beaucoup de choses sur l’époque ».

Le Drassm étant désormais capable d’aller retrouver des épaves à plus de mille mètres, grâce aux outils qu’il a développés, on se dit que La Cordelière ne devrait plus longtemps lui échapper.

 

 

Épave de La Cordelière : les recherches reprennent.

L’été prochain une nouvelle campagne va être lancée, au large de Brest, pour retrouver l’épave coulée en 1512. Michel L’Hour, patron de l’archéologie sous-marine, dévoile le projet. | Ouest-France

Ouest-France, le 21 octobre 2017

L’été prochain une nouvelle campagne va être lancée, au large de Brest, pour retrouver l’épave coulée en 1512. Michel L’Hour, patron de l’archéologie sous-marine, dévoile le projet.

Comment est intervenu le naufrage de Marie-la-Cordelière ?

Ce bateau s’est perdu en mer, en 1512, devant Brest, entre la pointe Saint-Mathieu et le fort du Bertheaume. À bord, ce jour-là, une réception est organisée quand une escadre anglaise de 40 bateaux se présente devant Brest. La Cordelière, le navire référent de la Duchesse Anne, alors reine de France, se porte en avant pour ralentir l’attaque et permettre aux gens de fuir. Le commandant, Hervé de Portzmoguer (francisé en Primauguet), prend à l’abordage le plus gros navire anglais, le Regent. Ils se retrouvent littéralement ficelés l’un à l’autre. Au cours du combat, La Cordelière prend feu. Les deux bateaux explosent. Sont alors perdus par le fond ces deux bateaux géants et pas loin de 2 000 hommes.

Quelle est l’importance historique de ces épaves ?

On estime à 400 les pièces d’artillerie que transportaient les bateaux. Potentiellement, comme 2 000 hommes ont péri, il y a des milliers d’objets, personnels notamment. Tout ça est quelque part sous les flots. Nous sommes nombreux à rêver de ces bateaux. Ce site est une encyclopédie de l’histoire maritime et sociale de l’époque.

Comment vont s’organiser les recherches ?

La recherche documentaire a déjà commencé. Les archives vont déterminer une zone de haute probabilité du naufrage. Des recherches ont été menées, à la fin des années 1990, par Max Guérout. Nous, nous voulons repartir de zéro. Je suis convaincu que le site a été vu par des plongeurs ou découvert de manière fortuite par des pêcheurs, qui n’ont pas nécessairement su ce qu’ils avaient sous les yeux. Ces informations nous intéressent. Dès l’été prochain, nous allons programmer une campagne de recherche avec l’André Malraux, le bateau du Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (Drassm) que je dirige.

Quelles sont les raisons d’espérer ?

Nous avons des moyens techniques importants. Le Drassm est le service référent dans le monde pour la recherche sous-marine. Surtout, ce projet est transversal. Nous avons réuni une « dream team » : le Drassm, mais également l’Université de Bretagne Sud pour les recherches historiques, Ifremer, L’Ensta de Brest, l’Irmm de Montpelier… La Région, également, nous soutient. Les épaves ne nous échapperont pas toujours car elles sont là. Demain ou dans un siècle, quelqu’un les trouvera.

Et si vous touchez au but ?

Les épaves sont de formidables machines à rêver. Le retentissement sera mondial. Le site cristallisera les regards de la recherche internationale. Si on trouve le Regent, je vous garantis la première page du Times ! Si on retrouve La Cordelière, on fera rêver des générations de gens.