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Livre. Anne de Bretagne, bien plus qu’une duchesse

Claire L’Hoër, historienne, autrice de « Anne de Bretagne »
Photo: Thomas Bregardis / Ouest-France

Ouest-France, 26 juillet 2020

par Didier Gourin

L’historienne Claire L’Hoër raconte la vie quotidienne d’Anne de Bretagne et souligne combien la duchesse qui devint reine de France joua un rôle politique important. Au-delà des images un peu convenues, et des clichés sur la « duchesse en sabots ».

L’historienne Claire L’Hoër évoque le destin et le rôle historique d’Anne de Bretagne, duchesse et reine de France à deux reprises en épousant Charles VIII et Louis XII.

Qu’est ce qui vous a incité à explorer ainsi la vie d’Anne de Bretagne ?

Je donne des conférences sur l’histoire de la Bretagne, et l’une d’elles est consacrée à Anne de Bretagne. Elle rassemble le public le plus nombreux. Le personnage attire, et, à la fin des conférences, on me pose toujours beaucoup de questions sur elle. Cela a suscité chez moi de la curiosité pour aller au-delà du personnage un peu convenu pour savoir qu’elle était la vie, au quotidien, d’une femme à la fin du XVe siècle qui se retrouve dans une situation politique difficile et délicate avec des problèmes de femmes à gérer, comme des maternités. On a beaucoup de documents à son sujet sur ce qu’elle possédait comme objets, ses vêtements. Elle est plus connue que ses deux maris, Charles VIII et Louis XII.

Justement, quelles questions vous pose-t-on à l’issue de vos conférences ?

Par exemple, la comparaison entre ses deux maris, étaient-ce des bons mariages ? On dispose des témoignages d’ambassadeurs étrangers qui observent ces couples. On les voit dans des bals, à la chasse. On me parle aussi de ses costumes et des couleurs de ses vêtements. Elle est souvent vêtue de jaune, qui symbolise l’or, et de rouge lorsque l’on observe tous ses portraits. Ils sont aussi ponctués de noir et de blanc. Elle mixte les couleurs de la Bretagne, et celles du pouvoir.

Au-delà de son rôle politique, pourquoi racontez-vous aussi sa vie quotidienne ?

C’est ce que je souhaitais faire en fonction des différentes étapes de sa vie, et des rôles qu’elle doit endosser, comme héritière, duchesse, et puis comme reine de France à deux reprises pour raconter les devoirs qui lui incombent, comment elle doit s’en sortir au quotidien et les solutions qu’elle trouve.

Vous évoquez ses lectures, sa bibliothèque ?

Elle a laissé des manuscrits exceptionnels qu’elle avait commandés. Parmi ces textes, il y a une vie des femmes illustres. Anne de Bretagne commande un ouvrage qui raconte la vie des femmes dans l’Histoire, comme Jeanne d’Arc. Il y a une volonté politique de mettre en avant le rôle des femmes. Quand elle commande un livre, elle se fait aussi représenter, sous forme de miniature. Elle travaille sa communication, comme on dirait aujourd’hui. Elle fait appel aux meilleurs artistes. Elle a conscience que son image va lui servir. Visiblement, elle aime la fréquentation des livres. Elle est cultivée. Elle sait lire le latin, ce qui lui sert. Elle n’a pas besoin qu’on lui traduise, contrairement à beaucoup de souverains.

C’est une femme politique qui est bien plus que la duchesse de Bretagne ?

C’est une femme politique qui compte en Europe et ne se contente pas de faire de la figuration. Dès qu’elle a un espace pour prendre des décisions, elle le fait, beaucoup plus durant son second mariage que pendant le premier où elle a des ennemis à la cour. Durant ce second mariage, elle est quand même régente de France, ce qui veut dire qu’elle gouverne. C’est une figure politique car elle a des liens directs avec de nombreux souverains européens, comme avec le Pape avec lequel elle échange une correspondance, les souverains espagnols. Dans les grandes cérémonies, elle ne se tient pas en retrait du roi en attendant que les choses se passent. Elle a une politique de fiançailles et de mariages qui est très active. Elle essaie de placer dans les grandes familles européennes des jeunes filles des familles bretonnes. La reine de Hongrie sera une Bretonne.

Comment a pu se traduire cette influence politique ?

Il y a des actions concrètes, car Anne de Bretagne est une femme concrète. Elle exerce le pouvoir sur le terrain. Quand elle se trouve à Lyon parce que son époux Louis XII est parti faire la guerre en Italie, non seulement elle gouverne le royaume de France mais elle regarde si Lyon est bien administrée. Elle se rend compte qu’une partie des impôts qui doivent servir à l’entretien des berges du Rhône et de la Saône est détournée. Elle les fait revenir à leur destination initiale car, pour elle, il est très important que cette ville soit prospère. Pendant le temps des campagnes d’Italie, c’est là qu’est installée la capitale royale. Il faut que le commerce fonctionne et ne pas laisser l’argent s’évaporer. Elle se renseigne, fait enquêter et elle prend des décisions. Elle a un sens des finances. C’est assez rare car peu de souveraines sont alors confrontées à des problèmes financiers. Mais très jeune, il avait fallu qu’elle finance la guerre dans son duché. Elle sait que l’impôt doit être bien utilisé.

Et pourtant, les sentiments à l’égard d’Anne de Bretagne sont mitigés. Pour certains, elle a trahi la Bretagne avec cette union avec la France ?

Pour elle, devenir reine d’un royaume très important en Europe était plus important que de rester duchesse. Néanmoins, elle a mené sa barque du mieux qu’elle a pu dans les circonstances qui lui étaient données. Il ne faut pas lire les choses a posteriori mais essayer de se mettre à sa place, à la fin du XVe siècle, à côté d’elle. Elle est une fille et, en théorie, elle ne peut même pas hériter du duché. C’est un garçon qui doit devenir duc de Bretagne. Elle a 11 ans, et elle est orpheline. À ce moment-là, ce qui aurait été très simple pour elle, c’était de se remettre entre les mains du roi de France. C’était la logique et ce que tout le monde pensait : la fille du duc va être mariée par le roi de France à un souverain quelconque et le roi de France va mettre la main sur la Bretagne. Que décide-t-elle ? Elle continue la guerre que son père a commencée. C’est tout à fait étonnant. Il n’y a pas beaucoup d’exemples dans l’histoire d’une fillette qui a potentiellement une dot énorme et décide de faire la guerre. C’est un personnage courageux, complexe et qui a envie d’en découdre. Durant ces trois années et demie de guerre avec la France, et les Anglais qui sont sur les côtes et mettent la main à la première occasion sur les ports bretons, elle est confrontée au manque d’argent, au ravage de ses terres avec des gens qui vivent dans les bois. Mais elle a un duché et tant qu’elle peut faire rentrer les impôts, avec une administration, pour financer cette guerre, elle peut tenir. Mais combien de temps ? Elle essaie d’être en position de force pour négocier quelque chose qui serait avantageux pour elle et sa Bretagne. Elle mène donc la guerre le plus longtemps possible. Sa première option n’est pas d’épouser le roi de France mais Maximilien, l’empereur d’Autriche, pour prendre la France en tenaille. Il fallait oser.

Et elle se dit qu’il est alors préférable de faire la paix avec le roi de France ?

Dans les deux camps, des conseillers sont favorables à ce mariage avec le roi de France. Pour Anne, l’intérêt est de rétablir la paix dans son duché. Et pour ses finances, elle arrive un peu au bout de ses ressources. Elle a emprunté de très grosses sommes, ses bijoux ont été vendus. La seule manière d’en sortir par le haut, c’est de devenir reine de France.

Grande question, a-t-elle trahi les Bretons en se mariant avec le roi de France ?

Nous, on connaît la suite. Et il faut faire attention. À l’époque, on ne sait pas. La Bretagne, par rapport à la France, c’est un peu comme le Portugal par rapport à l’Espagne, avec une seule frontière terrestre et une grande façade maritime. Le Portugal est resté finalement indépendant. Le pari qu’a fait Anne, c’est celui du deuxième héritier. C’est le deuxième enfant qui doit avoir la couronne de Bretagne. Et son grand drame, c’est de ne jamais avoir donné deux fils à aucun de ses époux. Et s’il y a une erreur de sa part, c’est de ne pas avoir élevé sa fille Claude dans l’idée qu’il fallait que la Bretagne garde son indépendance. Elle n’a pas élevé sa fille comme elle l’avait été. On lui avait bien expliqué qu’il y avait une nation bretonne, une frontière, une souveraineté et une monnaie et une couronne bretonnes. Comment n’a-t-elle jamais expliqué cela à sa fille Claude ? Mais je ne parle pas de trahison. Elle a essayé de reculer autant que possible le rattachement. Si elle avait eu deux fils, ce rattachement n’aurait pas eu lieu. Elle s’est battue avec les armes qu’elle avait dans le contexte qui était le sien. Elle a tenté de reculer le plus possible le moment où la Bretagne serait rattachée à la France.

Et cette guerre doit bien s’arrêter un jour ?

Un pays en état de guerre depuis 30 ou 40 ans n’est plus en état de soutenir quoi que ce soit. La paix apparaît quand même comme un bienfait.

Comment expliquer cette place qui est la sienne dans l’histoire ?

Je pense que, jusqu’au XIXe siècle, elle a été un peu le symbole de la réconciliation, la femme par laquelle la paix est arrivée aussi en France, et pas seulement pour les Bretons. La guerre, c’est un grand malheur qui s’abattait sur le pays. Une femme qui apporte la paix reste dans les esprits. Il y a aussi chez elle une notion de sacrifice. Elle a accepté le mariage avec son ennemi de la veille. Dans l’Histoire, parmi les femmes qui épousent l’homme à qui elles ont fait la guerre, il y a Cléopâtre… C’est assez rare. Elle est restée reine très longtemps en épousant deux rois successifs. C’est assez étonnant. Son règne est long à une époque où l’espérance de vie est assez courte. Elle est la grand-mère et l’arrière-grand-mère d’un grand nombre de souverains. Dans la famille royale, son souvenir a longtemps été conservé.

Claire l’Hoër, Anne de Bretagne, duchesse et reine de France, Fayard, 299 pages, 22 €.

Vol du reliquaire d’Anne de Bretagne : procès le 27 mai à Nantes

Ouest-France, 10 avril 2019

Volé dans la nuit du 13 au 14 avril 2018, le reliquaire du cœur d’Anne de Bretagne avait été retrouvé, une semaine plus tard, près de Saint-Nazaire. Après un an d’enquête, l’affaire sera jugée au tribunal correctionnel de Nantes, le 27 mai. Quatre hommes sont soupçonnés d’avoir participé à ce vol.

Dans la nuit du 13 au 14 avril 2018, le reliquaire en or du cœur d’Anne de Bretagne était volé au musée Dobrée à Nantes. Cette pièce inestimable, fabriquée en 1514, avait été retrouvée, une semaine plus tard, près de Saint-Nazaire. Composé d’une boîte en forme de cœur, cet objet est constitué de deux valves en tôle d’or réunies par une cordelière d’or. Outre ses qualités esthétiques, le reliquaire est chargé d’une dimension symbolique pour les Bretons.

Quatre hommes sont soupçonnés d’avoir participé à ce vol, qui avait soulevé un vif émoi dans l’Ouest de la France. L’enquête étant terminée, la date du procès a été fixée. Ce sera le 27 mai, au tribunal correctionnel de Nantes. L’audience durera toute la journée et démarrera à 9 h, en salle des assises.

Vol du cœur d’Anne de Bretagne à Nantes : quatre jeunes hommes écroués

Ouest-France, 17 janvier 2019

Deux suspects avaient été interpellés en avril 2018. L’un d’eux a demandé, pour la seconde fois, sa mise en liberté devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Rennes, ce jeudi 17 janvier. Refusée. Un troisième et un quatrième homme, mis en examen dans cette affaire, dorment également en prison, depuis décembre.

« Rocambolesque » , « tonitruante » , « abracadabrantesque » . L’affaire du vol du reliquaire d’Anne-de-Bretagne apporte encore et toujours son lot de qualificatifs et de surprises. L’écrin du cœur de la duchesse de Bretagne a été dérobé dans la nuit du 13 au 14 avril 2018, au musée Dobrée à Nantes, avant d’être retrouvé par les équipes de la police judiciaire, le 21 avril 2018. Une statuette de Bouddha et des pièces d’or avaient également été volées.

Quatre hommes casqués avaient pénétré dans le musée, avec l’idée qu’ils feraient fondre l’or du reliquaire, pièce d’orfèvrerie datée de 1514.

Deux suspects, âgés d’une vingtaine d’années, avaient été rapidement mis en examen pour vol d’un bien culturel et participation à association de malfaiteurs, et placés en détention provisoire.

L’un d’eux avait conduit les enquêteurs à l’endroit où les objets volés avaient pu être exhumés. Il avait été remis en liberté le 14 mai 2018, sous bracelet électronique…. Avant de retourner en prison, le 4 juillet, pour avoir violé les conditions de son assignation à résidence (Arse).

L’autre avait fait une première demande de remise en liberté, en juillet, devant la chambre de l’instruction, à Rennes. Il avait invoqué son mariage, prévu à Nantes en septembre. La cour d’appel de Rennes ne s’était pas laissée guider par ce plaidoyer sentimental.

« Des investigations à charge », selon l’avocate

Le jeune homme détenu depuis dix mois, a fait appel de la prolongation de sa détention provisoire, ce jeudi 17 janvier. Il conteste toujours toute participation au vol du reliquaire en or, admettant toutefois avoir touché les objets dérobés, qui lui ont été montrés par « un gars du quartier » dont il tait le nom. Le jour où la voiture utilisée pour commettre l’infraction a brûlé, dans le secteur de Pontchâteau, les investigations y ont localisé son téléphone. Possible, il était chez son frère ce soir-là, répond le mis en cause.

Pour son avocate Claire Abello, du barreau de Paris, cette affaire se présente désormais comme « un simple dossier de vol de droit commun » , les objets ayant été restitués. « L’instruction a été très rapide. Beaucoup d’investigations ont été faites, mais à charge » , regrette-t-elle.

Le mariage du suspect a été annulé. L’homme veut toujours retrouver sa petite amie. Et il pourrait bénéficier d’une embauche dans un garage. Né en Algérie, il vit en France depuis ses huit ans et ne compte pas regagner le Maghreb, avance encore l’avocate.

Interpellés à Paris et Saint-Nazaire

Le ministère public évacue l’ensemble de ces garanties avancées par la défense, avec une question : « Quel est le poids d’un contrôle judiciaire quand on a été condamné plusieurs fois pour des faits de vol ? » Sept fois exactement, sur les quatorze mentions que compte le casier judiciaire. La chambre de l’instruction décide de suivre les réquisitions de l’avocat général. Le jeune homme reste en prison.

En décembre, un troisième puis un quatrième suspect ont été à leur tour interpellés. L’un à Paris, l’autre à Saint-Nazaire. L’un a été identifié comme ayant fait du repérage, au musée. L’ADN de l’autre a été retrouvé sur l’emballage des objets. Ils sont eux aussi écroués.

Nantes. Deux hommes mis en examen, pas de trace du reliquaire

photo l’écrin du cœur d’anne de bretagne a été volé dans la nuit du vendredi 13 au samedi 14 avril, au sein du musée dobrée, à nantes.  © ouest-france

Ouest-France, 21 avril 2018

Une semaine après le vol du reliquaire du cœur d’Anne de Bretagne, au musée Dobrée, à Nantes, deux hommes sont présentés ce samedi matin à un juge d’instruction en vue de leur mise en examen pour association de malfaiteurs et vol d’un bien culturel exposé dans un musée. Les deux suspects contestent toute implication dans la disparition dans cette œuvre patrimoniale maîtresse, toujours introuvable.

Deux hommes interpellés et placés en garde à vue après le vol du reliquaire du cœur d’Anne-de-Bretagne, dans la nuit de vendredi 13 à samedi 14 avril, au musée Dobrée, sont ce samedi matin 21 avril présentés à un magistrat du parquet de Nantes. Le procureur de la République a demandé leur mise en examen pour association de malfaiteurs et vol d’un bien culturel exposé dans un musée, aggravé par la dissimulation du visage. Leur placement en détention provisoire a également été demandé. Un troisième jeune homme, mineur, avait été également interpellé. Il a été remis en liberté ce samedi matin, et serait hors de cause.

Patrimoine culturel national

Pour l’heure, ces deux suspects, originaires de l’Ouest du département, âgés de 22 et 23 ans, nient toute implication dans le vol. Pendant le temps des gardes à vue, des perquisitions ont été menées par les équipes de la police judiciaire nantaise. Elles n’ont rien donné. Le reliquaire,  « un objet appartenant au patrimoine culturel national » , reste introuvable.  « Le récupérer reste l’objectif majeur des enquêteurs qui mènent de lourdes investigations depuis une semaine ».

Au cours de cette nuit du 13 au 14 avril, l’alarme s’est déclenchée vers 3 h 30. « Les voleurs ont essayé de rentrer par la façade mais n’ont pas réussi. Ils sont entrés par l’arrière du bâtiment en fracturant une issue. »  Un gardien de nuit était présent mais « n’a pas constaté de traces du vol ». Ce n’est que le samedi matin que le personnel découvre que des vitrines ont été brisées et que des objets ont disparu : le reliquaire, mais aussi une statuette hindoue et une cinquantaine de pièces d’or.  « Nous sommes face à un comportement de délinquants locaux et de droit commun plutôt qu’à une organisation structurée »  précise le procureur.

Reliquaire d’Anne de Bretagne. Une médiation pour la restitution

Le reliquaire du cœur d’Anne de Bretagne.

Le reliquaire du cœur d’Anne de Bretagne. | Archives Ouest-France

Ouest-France Nantes, 15 avril 2018

Profondément choqué par le vol du reliquaire du cœur d’Anne de Bretagne, le comité Anne de Bretagne se propose comme médiateur confidentiel entre le propriétaire et les voleurs. Objectif : récupérer l’œuvre d’art, s’il es0t encore temps.

Si d’aventure les voleurs du reliquaire du cœur d’Anne de Bretagne sont plutôt des ravisseurs, prêts à négocier la restitution du butin, l’idée du comité Anne de Bretagne pourrait tomber juste. Ce collectif d’associations (qui a assuré l’organisation d’une centaine événements au cours de l’année 2014 pour les 500 ans de la disparition de la dernière duchesse de Bretagne) a été catastrophé, samedi 14 avril, en apprenant la nouvelle de la disparition de ce symbole patrimonial.

Il vient donc de mettre à disposition son adresse mail, annedebretagne2014@free.fr, à destination des voleurs.  « Encore faut-il que ces gens veuillent monnayer ce qu’ils ont volé,  soupire le coordonnateur, Jacques-Yves Le Touze. Mais nous avons pensé qu’il fallait ouvrir cette possibilité, tout tenter. On veut bien jouer les intermédiaires entre eux et le propriétaire pour éviter que ça finisse mal. » Et que l’écrin d’or, qui date de 1514, ne termine en vulgaire lingot.

Ce  « véritable trésor national va sans doute disparaître à tout jamais » , s’alarme le comité.  « À moins qu’un appel public en direction des voleurs ne soit lancé, pour qu’ils le rendent » . Aussitôt dit, aussitôt fait.

Agnès Clermont

1505: un cantique en breton dédié à Anne de Bretagne

Yves Mahyeuc (vitrail de la basilique de La Guerche-de-Bretagne)

Ouest-France, 19 novembre 2017

par Bernez Rouz

En 1505, le plus vieux cantique breton connu est dédié à Anne de Bretagne.

Les souverains bretons avaient coutume de venir prier au pardon du Folgoët (Léon), l’un des plus célèbres du duché. Anne de Bretagne ne dérogé pas à la tradition. A 28 ans, elle règne sur la Bretagne mais elle est aussi reine de France. Le 19 août 1505, elle est accueillie dans la basilique par le Veni Creator réservé aux grands dignitaires. Mais, surprise, l’hymne séculaire composé en latin au IXe siècle est chanté  en deux langues: Veni Creator Spiritus, Mentes tuorum visita , Deuit Spered krouer ken glan, E eneoù gwan ho pugale.(Venez Esprit créateur, si pur dans les âmes fragiles de vos enfants…).

« Gardienne de notre terre »

L’auteur n’est autre que son confesseur, Yves Mahyeuc, né à Kervoyec en Plouvorn, près du Folgoët.. Il signe d’ailleurs son oeuvre : »Veni Creator an Itron Anna, kempennet gant Yvo Caervoyec en enor d’an Itron Anna, hon dugez-rouanez o pardoniñ er Folgoet » (Le Veni Creator de Dame Anne, arrangé par Yves de Kervoyec, en l’honneur de Mme Anne, notre duchesse-reine en pèlerinage au Folgoët).

Il s’agit du premier cantique breton connu, tout à l’honneur de la souveraine: « Pedomp evit Anna, rouanez ha dugez vat ar Vretoned. Ni ho salud mirer hon glenn. Anna birviken melezour hon neñvoù. Skuilhit ho klizhenn e grasou puilh war bro Breizh » (Prions pour la reine Anne, bonne duchesse des Bretons. Nous vous saluons gardienne de notre terre, Anna à jamais miroir des cieux ! Versez votre rosée en grâces abondantes sur le pays de Bretagne).

Yves Mahyeuc deviendra évèque de Rennes en 1507. Il serait à l’origine du poème officiel écrit en lettres d’or sur la grande scène de la cérémonie où trônait le portrait de Brutus, chef mythique troyen devenu premier roi des Bretons.

On croyait à l’époque que les Bretons descendaient de ce peuple de la Grèce antique. Brutus s’exprime donc en breton: « Me ha ma gwreg monet c’hwek a grepach. Da goñkeriñ ar Breizh-mañ hep mar ebet. E giz nep zo ac’hanon diskennet, pere a gomz eus Troye gwir langaj, hag a vezo betek ar fin en usaj« . ( Moi et ma femme, de partir en douce du pays grec, afin de conquérir sans coup férir cette Bretagne. Mes descendants parlent la vraie langue de Troie, laquelle restera en usage jusuqu’à la fin des temps).

Belle prédiction pour l’aven,ir de la langue bretonne dont l’origine prestigieuse viendrait donc de la plus haute antiquité.

 

Intérieur de la basilique du Folgoët.

 

La réunification à l’heure d’Anne de Bretagne ?

Ouest-France, 21 mai 2014, page Bretagne

LeTouze1

Alors que la Bretagne historique est au cœur des débats sur la réorganisation territoriale, les Bretons redécouvrent l’histoire d’Anne de Bretagne.

3 questions à Jacques-Yves Le Touze, coordonnateur du Comité Anne de Bretagne 2014.

Comment expliquez-vous le succès populaire des manifestations qui célèbrent l’anniversaire de la mort d’Anne de Bretagne ?

C’est, en effet, assez positif de constater que le 500è anniversaire de la mort de la dernière duchesse souveraine de Bretagne  donne lieu à autant d’événements dans les 5 départements bretons (près d’une centaine et d’une très grande diversité). Anne de Bretagne représente un moment charnière dans l’histoire de la Bretagne, le basculement de l’État breton vers la Province de Bretagne ;consciemment ou inconsciemment , ce moment fondamental est resté dans la mémoire des Bretons à travers le personnage d’Anne de Bretagne, une sorte de personnification d’un moment-clé de l’histoire des Bretons. L’histoire est un des piliers de l’identité bretonne, cet anniversaire ne pouvait passer inaperçu et la multitude d’événements prévus souligne cet intérêt des Bretons pour leur histoire.

 

Vous mettez en avant une réappropriation de l’histoire nécessaire pour  les Bretons : que voulez-vous dire ?

L’histoire de la Bretagne est très riche, foisonnante même, et n’est toujours pas réellement enseignée, ce qui est pour le moins anormal; il nous semble que la moindre des choses, c’est que notre histoire soit enseignée au même titre que l’histoire de France et celle de l’Europe. Dans la situation actuelle et face aux manques du système éducatif, c’est aux habitants de ce pays de se réapproprier leur histoire par eux-mêmes et par les moyens les plus divers. Ce 500ème anniversaire est caractéristique de cette envie et de ce besoin des Bretons de connaître leur propre histoire. C’est une richesse culturelle qu’on ne doit plus, qu’on ne peut plus laisser aux seuls spécialistes: les évènements organisés pour ce 500è anniversaire par leur nombre et leur diversité montrent comment une histoire revivifiée et diffusée peut être positive en termes d’éducation, de création, bref de vitalité culturelle.

 

Donc, à l’heure où on n’a jamais autant parlé de réunification de la Bretagne, la duchesse est d’une grande modernité selon vous ?

A travers sa vie mouvementée,  Anne de Bretagne symbolise cette volonté de faire au mieux des intérêts de la Bretagne dans une situation difficile et compliquée après une défaite militaire face à la France. En ce sens, Anne de Bretagne garde toute sa modernité dans le cadre d’une Bretagne qui cherche actuellement à retrouver plus d’autonomie ce qui passe notamment par la fin de la partition administrative de son territoire. L’attachement des Bretons à la figure d’Anne de Bretagne, même mythifiée, souligne la modernité toujours renouvelée de ce personnage quoiqu’en disent certains pour qui la Bretagne et son histoire devraient disparaître dans les oubliettes d’une modernité à sens unique. La centaine d’évènements organisés en 2014 autour d’Anne sont un indicatif très positif sur l’importance de l’histoire dans la conscience bretonne actuelle.

Propos recueillis par Christian Gouerou

Tout sur l’année Anne de Bretagne 2014: http://annedebretagne2014.info

Ouest-France. Un hors-série sur Anne de Bretagne

annedebretagneOuest-France

L’année 2014 sera celle du 500e anniversaire de sa mort. Ce hors-série d’Ouest-France raconte un destin exceptionnel.

 Duchesse de Bretagne à 12 ans, elle sera deux fois reine de France. Née à Nantes, Anne devient une première fois reine lorsqu’elle épouse Charles VIII. Au décès du souverain, elle n’a que 21 ans. Il n’y a pas de dauphin pour le trône. Elle doit alors se marier avec Charles VIII. Pour la seconde fois, elle est reine de France. C’est un cas de figure unique dans l’histoire.

Anne est aimée des Bretons et elle est vigilante à préserver leurs droits. Elle sillonne ainsi son duché de Nantes à Auray en passant par Locronan Morlaix ou Saint-Brieuc. Elle tient aussi à rendre hommage aux sept saints fondateurs de la Bretagne. Si attachée à sa Bretagne, elle ne pourra, pour autant, empêcher le rattachement du duché à la France en 1532.

L’année 2014, celle du 500e anniversaire de sa mort, sera l’occasion d’un vaste hommage à une figure majeure de l’histoire bretonne. Dès le début janvier, un timbre lui sera consacrée. Et tout au long de l’année, de nombreuses manifestations retraceront son parcours. Ce hors-série, richement illustré, raconte ainsi la vie d’Anne de Bretagne et ses engagements pour la Bretagne, tant elle est restée un symbole fort. Des acteurs de la Bretagne d’aujourd’hui l’évoquent aussi dans ce hors-série, comme Jean-Louis Jossic, chanteur et co-fondateur des Tri Yann : « J’ai beaucoup de tendresse pour le personnage d’Anne de Bretagne. Elle était à l’avant-garde parce qu’elle n’était pas une femme dans l’ombre. »

Le comité Anne de Bretagne 2014 fédère les nombreux rendez-vous de 2014 (annedebretagne2014.wordpress.com).