A l’heure où l’on parle des limites de la Bretagne, il est bon de se tourner vers l’Histoire

Frédéric Morvan

Le chroniqueur breton du XVe siècle, Pierre Le Baud, aumônier de la duchesse Anne, mentionna que la Bretagne «a ses limites immuables car enracinées dans l’immémorial, ses frontières naturelles déterminées par les fleuves du Couesnon, de Sélune, de Mayenne et de Loire au-delà desquels le Breton vit en exil ».

Immuables et immémoriales, les limites de la Bretagne le furent. Dans une Europe en recomposition politique constante, force est de constater un fait spectaculaire : la permanence de frontières bretonnes pendant près de mille ans. A partir du IXe siècle, elles sont en effet fixées. Ce n’est qu’en 1791, pendant la Monarchie constitutionnelle, que le duché de Bretagne devenu Province au XVIe siècle est divisé en cinq départements : le Finistère (le département le plus loin de Paris), les Côtes-du-Nord (qui deviendront en 1990  les Côtes d’Armor), le Morbihan, l’Ille-et-Vilaine et la Loire-inférieure (en 1957, la Loire-Atlantique). Cependant, ces cinq départements respectaient presque exactement les limites de l’ancien duché.

Le régime de Vichy, par le décret du 30 juin 1941, décida de  la création de préfectures de région. Ille-et-Vilaine, Morbihan, Finistère et Côtes-du-Nord se retrouvèrent sous l’administration du préfet de Rennes, tandis que la Loire-Atlantique relevait de celui d’Angers. Le général Audibert a écrit à l’époque à ce sujet : « que dirait notre bonne duchesse Anne si elle assistait à une telle amputation de ses fiefs ? Obliger Nantes à graviter autour d’Angers, ville de petite importance, est un contre sens, autant déclasser Paris pour mettre la capitale à Orléans ».

Ces préfectures disparurent à la Libération, mais les « régions-programme » de 1956 virent le retour de cette partition-amputation de la Bretagne « historique » qui fut reconduite par les réformes régionales de 1972 et 1982. La Loire-Atlantique est intégrée à la Région Pays de la Loire et son chef-lieu, Nantes, est la capitale de cette Région. Beaucoup pensent maintenant que la Loire-Atlantique n’est plus en Bretagne confondant Bretagne et Région administrative Bretagne fondée en 1972 (s’étendant sur le Finistère, le Morbihan, les Côtes d’Armor et l’Ille-et-Vilaine), dont la capitale est Rennes. Mais qu’on le veuille ou pas, et tout historien qui travaille sur la Bretagne sait qu’il doit travailler aussi sur le Nantais, Nantes, le pays nantais et l’essentiel de la Loire-Atlantique demeurent bretonnes.

 

Frédéric Morvan

agrégé d’histoire

2 réflexions au sujet de « A l’heure où l’on parle des limites de la Bretagne, il est bon de se tourner vers l’Histoire »

  1. Kirill Giraudon

    « La région, en France, c’est une construction administrative bureaucratique, résultat d’une dissection géographique, jeu de l’esprit de quelques hauts fonctionnaires. Prisonniers de la géographie administrative, après avoir disséqué la France en ses départements à noms de rivière, ces mêmes arithméticiens se sont mis à les agréger dans des ensembles régionaux humainement incohérents. Sans tenir compte de l’irréductible originalité d’ensembles territoriaux à la personnalité fondée historiquement et possédant souvent, par surcroît, une homogénéité géographique. » R. Chartier – Science sociale et découpage régional – Actes de la recherche en sciences sociales – 35, 1980.

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